En français dans le texte

 

Lorsque j’ai entrepris, il y a de cela bientôt quatre ans, de tenir un journal bilingue en français et en anglais, ma première intention était de rédiger des articles dédiés essentiellement à des lecteurs anglophones intéressés par des questions de bureautique et, en particulier, par des sujets liés à l’écriture de recherche et aux outils numériques qui facilitent celle-ci : Tinderbox, Scrivener, DEVONthink Pro, Texpad, etc. Il s’agissait aussi pour moi de faire ce que certains spécialistes de la traduction appellent l’épreuve de l’étranger : ressentir, à travers l’acte de traduire une langue étrangère, l’irréductible altérité d’un autre idiome.

Un schéma de 2015, réalisé avec Tinderbox, afin de décrire les échanges dans l’atelier d’histoires de vie.

Au fil des mois, je me suis aperçu qu’en cherchant à m’exprimer en anglais, je simplifiais ma pensée, allant à l’essentiel et me privant d’une bonne part des ressources de la langue que je parle et dans laquelle j’ai appris à penser et à ressentir. Faute de pouvoir transposer mes idées en me tenant au plus près de leurs inflexions, j’acceptais des compromis auxquels je n’aurais jamais consenti dans ma langue natale. À titre d’exemple, j’en étais arrivé à ne plus recourir à aucune incise et à privilégier un style direct et sans détours. Quand on a fait ses premières armes à travers la lecture des Essais de Montaigne ou des Mémoires du duc de Saint-Simon, de telles concessions deviennent vite affligeantes. Je continuerai donc de lire dans le texte des auteurs étrangers dont la langue m’éblouit, même si je n’en saisis pas toutes les inflexions et m’exprimerai ici dans une langue avec laquelle j’ai fait mes premiers pas. 

Les archives de ce journal sont néanmoins disponibles dans cette section du site. Elles rassemblent l’intégralité des articles bilingues écrits entre 2015 et 2018.