Résolutions ?

 

Lorsque j’ai choisi de modifier la page de couverture de mon site, il y a deux mois de cela au moins, je ne pensais pas que ce dessin d’architecte connaîtrait un tel destin : le quartier d’une ville, un boulevard désert, deux immeubles en face à face, aucune âme apparente et ce slogan : « La parole est le lien. »

Dans mon esprit, cette image contribuait à symboliser, par contraste avec l’impression de solitude qu’elle peut suggérer, ce que nous nous efforçons de mettre en œuvre dans les groupes que j’anime : contribuer à favoriser certaines modalités de liens aux autres et à l’altérité, face à un anonymat urbain et à une tendance à penser frontalement, à penser contre, offensivement, dont une majorité de discussions télévisées nous donnent quotidiennement un attristant spectacle. Penser avec, dans le sillage des autres, en résonance avec ceux-ci, à partir d’eux : tel est, dans ses lignes essentielles, le dispositif de groupe que, depuis 2007, nous concourons à mettre en œuvre dans les ateliers de philosophie ou d’histoires de vie, chacun à sa façon, chacun selon son effort propre.

Ce dessin, aujourd’hui, résonne donc étrangement, en cette période de pandémie qui a vu l’émergence d’une nécessaire « distanciation sociale », distanciation devenue « physique » qui nous prive tant d’indispensables contacts sociaux et affectifs.

D’ici à l’issue de cette saison culturelle, je ne saurais dire si les ateliers de philosophie et d’écriture autobiographique ouvriront à nouveau leurs portes. Je regrette amèrement leur fermeture temporaire même si j’en comprends pleinement l’indispensable nécessité.   

Dans l’attente, peut-être nous trouvons-nous — ou nous sommes-nous trouvés, puisque le temps du confinement touche en partie à sa fin —, dans cette situation plusieurs fois évoquée au cours des ateliers à travers l’analyse d’une image pascalienne dont le motif — la chambre — figure dans les Pensées. Dans le prolongement de cette image qui pointe l’extrême difficulté dans laquelle se trouverait l’être humain de ne pas savoir rester seul immobile dans une chambre, j’énoncerai cette situation dans les termes suivants : qu’ai-je appris de la philosophie dont je puisse faire quelque chose dans cette circonstance si particulière ? Qu’est-ce qui, en moi, témoigne d’une certaine incidence de la philosophie sur mes choix de vie, mes centres d’intérêt, mon rapport au monde et aux autres ? Qu’est-ce qui signifie le mieux cette incidence ? Quelles actions ? Quelles attitudes ? Quelles résolutions ?