Archives radio

 

Trois documents constituent les archives de cet article : un autocollant RVO — Radio Val d’Oise, puis Radio Vallée de l’Oise —, un autocollant Grisy Apple’s-RVO, un disque vinyle (dédicacé) des Kool & the Gang, format 45 tours, trois pièces retrouvées ces jours-ci en faisant du rangement et dont j’avais complètement oublié l’existence alors même qu’il s’agit d’éléments importants d’un patrimoine personnel auquel je suis profondément attaché, celui de la radio FM des années 80, domaine dans lequel j’ai officié, de 1982 à 1995, d’abord comme bénévole à Radio-Première, puis, finalement, d’une radio à l’autre, en intervenant comme « preneur de son » et intermittent du spectacle au service audio de l’Agence France-Presse, place de la Bourse, à Paris.

Lorsque, en 1987, la chance et l’expérience aidant, je fis mes premiers pas à RVO en tant qu’animateur et réalisateur radio, cherchant mes marques dans un lieu qui m’était déjà quelque peu familier pour l’avoir visité en tant qu’auditeur, l’une de mes premières démarches fut de chercher ce qui, dans mon ressenti, constituait au plus près l’expérience RVO, cette aventure que je vivais quotidiennement, alors adolescent, derrière le poste de radio familial, un vieil ampli-tuner à tubes sur lequel j’écoutais, au minimum, le hit-parade de fin de journée.

Je me souviens en particulier de cette soirée au cours de laquelle, explorant les locaux jusque tard dans la nuit comme s’il se fût agi d’une caverne aux merveilles — studio-antenne, discothèque, bureau —, je me mis en quête d’archives audio : jingles, bandes-annonces, publicités locales, enregistrements d’émissions devenues des must au fil des ans — Complicités magnétiques, les Cakes, les Jeux, etc.

J’avais la naïveté de penser qu’il devait exister quelque part dans ce lieu symbolique à plus d’un titre une section dédiée spécialement aux Archives. Ma déception fut à la mesure de mes attentes : non seulement il n’existait quasiment aucune archive d’aucune sorte, mais l’habillage-antenne lui-même — des jingles chantés, en particulier — avait complètement disparu des usages. Le lieu portait le nom d’une radio dont l’identité sonore, brusquement, était devenue (presque) méconnaissable. 

Qu’était-il advenu du studio-mobile RVO, caravane de petite taille qui accueillait des vedettes de passage à la foire saint-Martin et diffusait, en direct, techniciens à l’appui, des programmes animés dignes des stations périphériques ? Où était passée la voiture RVO ? Pourquoi ne la voyait-on plus circuler dans les rues de Cergy, de Pontoise ou d’Osny, arborant fièrement son étendard autocollant bleu-blanc ? Pourquoi ne récompensait-elle plus de leur fidélité les automobilistes qui écoutaient l’antenne depuis leur voiture personnelle ? N’y avait-il donc plus rien à écouter ?   

Dans l’entre-deux, entre le moment où, écoutant passionnément les nombreuses émissions d’RVO, alors encore lycéen, je nourrissais l’espoir d’y animer à mon tour des programmes, et le moment où, finalement, parvenu contre toute attente à être recruté, je prononçai mes premiers mots au micro de cette station de radio, le ménage — l’image n’est pas excessive — avait été fait : une grille de programmes épurée faisait désormais autorité, grille dédiée intégralement à un nouveau format, le Music & News, et dans laquelle tout signe de l’Ancien Monde avait été méthodiquement et définitivement rayé.

Je m’associe à celles et ceux qui se souviennent.

Dans mon souvenir, l’autocollant RVO bleu et blanc était couplé à un jingle chanté dont, finalement, je parvins à retrouver la trace dans un lot de vieilles bandes magnétiques prêtes à être vendues en brocante. Ce jingle, qui avait été conçu autour du slogan suivant : « RVO, la station qu’il vous faut », était pour moi une sorte d’emblème de la radio nec plus ultra. À mes yeux, le jingle chanté à l’américaine — Say… Say… Let the music play… play… réécoutable ici même —, était la signature de toute radio FM vraiment sérieuse.

Peut-être ai-je diffusé deux fois, trois fois au mieux, ce vieux jingle mis au rebut.

Peut-être le temps est-il venu, pour moi, pour d’autres, de relater l’expérience de ces années-radio. Les moyens techniques numériques dont nous disposons actuellement pour concevoir et fabriquer des documents audio nous offrent une opportunité dont nous ne pouvions rêver alors : constituer des archives sonores d’une période qui n’avait pas encore cédé aux démons d’une certaine standardisation audio. L’époque que j’évoque trop brièvement ici ignorait à bien des égards un uniforme porté quasi unanimement aujourd’hui par des radios dont les formats, dans leur immense majorité, ont oublié, de fond en comble, l’esprit profondément idiosyncratique qui donnait tout leur souffle à leurs aînées pionnières. Qu’attendons-nous pour témoigner ?

C’est à ce travail de (re-)mise en perspective de la mémoire qu’est dédié l’atelier Hier, atelier d’écriture autobiographique que la bibliothèque Apollinaire de Pontoise accueille depuis près de dix ans maintenant et que j’anime depuis cette date. Les deux prochaines séances auront lieu les 13 et 27 mars.

 
ateliersDominique Renauld